Groupes hyperboliques de bord planaire
Il s’agit d’un survol destiné à souligner les difficultés rencontrées dans l’étude de la conjecture de Cannon.
1. La conjecture de Cannon
1.1. Groupes kleinéens
Un groupe kleinéen est un sous-groupe discret d’isométries de l’espace hyperbolique de dimension 3. agit par homographie sur la sphère à l’infini, laquelle se décompose en un fermé invariant, l’ensemble limite (adhérence commune à toutes les orbites) et son complémentaire , sur lequel l’action est proprement discontinue.
On dit que est convexe-cocompact si l’action sur l’enveloppe convexe de l’ensemble limite est cocompacte. Dans ce cas, est une variété de dimension 3 compacte à bord.
Theorem 1 (Thurston-Perelman) Si est une variété orientable, irréductible, compacte à bord, de dimension 3, de groupe fondamental infini mais ne contenant aucun sous-groupe isomorphe à , alors il existe un groupe kleinéen convexe-cocompact tel que est difféomorphe à .
L’objectif est de sortir du cadre des 3-variétés.
1.2. Propriété de convergence uniforme
Soit un espace compact métrisable. Une action de groupe sur est de convergence uniforme si par homéomorphismes et l’action diagonale sur les triplets de points disctincts est proprement discontinue et cocompacte.
La classe des groupes possédant une action de convergence uniforme coincide avec la classe des groupes hyperboliques au sens de Gromov (l’action étant l’action sur le bord à l’infini).
Par conséquent, l’action d’un groupe sur le bord, du seul point de vue topologique, contient déjà beaucoup d’informations. Cela motive la question suivante.
Conjecture. Soit un groupe hyperbolique dont le bord est planaire. Alors est virtuellement isomorphe à un groupe kleinéen convexe cocompact.
Cela contient deux questions classiques.
Conjecture (Cannon). Soit un groupe hyperbolique dont le bord est une 2-sphère. Alors est virtuellement isomorphe à un groupe kleinéen cocompact.
Conjecture (Kapovitch-Kleiner). Soit un groupe hyperbolique dont le bord est homéomorphe au tapis de Sierpinsky. Alors est virtuellement isomorphe à un groupe kleinéen convexe cocompact.
Kapovitch et Kleiner on ramené leur conjecture à celle de Cannon.
Haïssinsky a montré que
- si la conjecture de Kapovitch-Kleiner est vraie,
- si n’a pas de 2-torsion,
- et si le bord de est planaire sans etre toute la sphère,
alors est virtuellement kleinéen.
2. Approche analytique
2.1. Stratégie
On fixe un système générateur fini. On place une boule de rayon 1 à chacun des points d’une orbite dans et on considère son ombre portée sur le bord. Soit la collection des ombres correspondant aux éléments de de longueur .
Son graphe d’incidence est une triangulation de degré borné de la 2-sphère. Il y a un empilement de cercles associé (Koebe) : il a le meme graphe d’incidence. Soit l’application qui envoie chaque centre d’ombre de sur le centre du cercle associé.
But. Montrer que les sont uniformément équicontinues et que toute limite est un homéomorphisme.
Si on y arrive, on a gagné.
2.2. Modules de courbes
D’après Cannon, il s’agit de controler des modules d’anneaux, à définir proprement. Commencons par la définition classique, dans un espace métrique mesuré .
Definition 2 Soit une famille de courbes, . Son module est la borne inférieure, sur toutes les fonctions boréliennes dont l’intégrale sur chaque courbe de la famille est , de .
Example 1 , , les courbes qui traversent d’un bord à l’autre d’un anneau . Le nombre obtenu est l’unique invariant des anneaux à bijection conforme près. Si les lacets qui font le tour du trou, le nombre obtenu est l’inverse du précédent.
On n’a pas de distance canonique, mais, à la place, le recouvrement ouvert . En remplacant chaque intégrale par une somme, on obtient un nombre .
L’application envoie un anneau sur la réunion des cercles centrés aux points de , kégèrement augmentés pour garnir les trous entre cercles. Pour assez grand, c’est à nouveau un anneau.
Proposition 3
Theorem 4 Soit un groupe hyperbolique dont le bord est homéomorphe à la 2-sphère. Supposons établi que pour tout anneau du bord, il existe tel que pour tout assez grand,
Alors est virtuellement kleinéen.
En fait, il suffit de minorer les modules d’un nombre fini d’anneaux.
Corollary 5 (Bourdon-Kleiner) Soit un groupe hyperbolique dont le bord est homéomorphe à la 2-sphère. Supposons établi qu’il existe tel que les modules restent bornés, où est la famille des courbes de diamètre . Alors est virtuellement kleinéen.
Il en résulte (mais c’était déjà connu) que tout groupe de Coxeter hyperbolique dont le bord est homéomorphe à la 2-sphère est virtuellement kleinéen.
3. La jauge conforme
La jauge conforme de est l’ensemble des distances Ahlfors-régulières sur le bord de pour lesquelles l’action de est uniformément quasi-Mobius.
Uniformément quasi-Mobius signifie que les birapports sont préservés à un homéomorphisme de près.
Cette famille de distances est non vide (Gromov, Coornaert), deux distances de la jauge sont quasi-Mobius.
Definition 6 La dimension conforme Ahlfors-régulière de , , est la borne inférieure des dimensions de Hausdorff des métriques de la jauge.
C’est un invariant topologique de l’action de sur son bord.
Theorem 7 (Bonk-Kleiner) Soit un groupe hyperbolique dont le bord est homéomorphe à la 2-sphère. Si la dimension conforme Ahlfors-régulière est atteinte, alors est virtuellement kleinéen.
Ils montrent qu’une métrique minimisante est Loewner, ce qui donne une borne inférieure sur le module, qui, à son tour, minore . Ce n’est pas exactement comme cela qu’ils procèdent, je mélange leur méthode et celle de Cannon et al.
4. Difficultés restantes
4.1. Instabilité des modules analytiques
On sait montrer qu’il existe une famille de courbes de si et seulement si . Autrement dit, si la dimension conforme Ahlfors-régulière n’est pas atteinte, on ne peut rien tirer des modules analytiques.
Espoir : les modules combinatoires
Theorem 8 (Keith-Kleiner, Carrasco)
4.2. Faiblesse des modules combinatoires
On ne sait pas établir la sous-additivité dénombrable. On aimerait savoir que si des familles de courbes satisfont , alors
4.3. Contre exemples
Il existe des distances sur qui sont -Ahlfors-régulières, mais telles que, pour tout anneau , tend vers 0. Il s’agit des paillassons de Rickman.
5. Approche de Markovic
Markovic : construire une action sur un complexe cubique . utiliser les sous-groupes de surfaces.
Calegari-Walker : inspiré par les groupes aléatoires. Ne marche que lorsque les relateurs sont longs.